Annexe 2 - Incidence économique des mesures budgétaires
Il existe deux leviers principaux par l'entremise desquels les dépenses publiques peuvent influer sur la production et l'emploi. D'une part, les administrations publiques peuvent investir dans l'infrastructure ou acheter des biens et des services, ce qui donne lieu à une hausse immédiate et équivalente des dépenses intérieures finales. D'autre part, ces administrations peuvent inciter les ménages et les entreprises à accroître leurs dépenses au moyen de mesures fiscales ou de transferts. Toutefois, la mesure dans laquelle ces initiatives font augmenter les dépenses et la production intérieures sera déterminée par la variation de l'épargne et des importations.
Par exemple, bien qu'une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers donne lieu à une hausse équivalente du revenu disponible des ménages, celle-ci ne se traduit pas par une augmentation immédiate des dépenses. En effet, les ménages peuvent choisir d'épargner une partie de ce revenu additionnel, surtout à court terme, les ménages à revenu élevé épargnant relativement plus et les ménages à faible revenu, relativement moins1.
L'incidence sur la production intérieure d'une augmentation donnée des dépenses dépend de la proportion des biens et services qui seront importés, puisqu'une part des dépenses et des investissements effectués par les ménages, les entreprises ou les administrations publiques fait l'objet d'une « fuite économique » lorsque les biens sont produits à l'étranger. Par exemple, environ la moitié des biens de consommation durables sont importés, comparativement au quart environ des biens non durables, comme les produits alimentaires et l'énergie.
Pour ces raisons, l'incidence sur la production intérieure et sur l'emploi de la plupart des types de mesures fiscales a tendance à être relativement faible à court terme. Avec le temps, cependant, les nouvelles dépenses stimulent la croissance de l'emploi, ce qui contribue à la hausse du produit intérieur brut (PIB) réel.
Estimer l'incidence économique
Afin de pouvoir estimer leur incidence économique, les mesures énoncées dans le présent budget ont été réparties dans des catégories qui correspondent à celles utilisées dans le modèle macroéconomique et budgétaire du ministère des Finances, à savoir : les investissements dans le logement (y compris la construction de nouveaux logements et la rénovation de logements existants), les investissements dans l'infrastructure, les mesures visant l'impôt sur le revenu des particuliers et les transferts, les mesures à l'intention des ménages à faible revenu (y compris les changements à l'assurance-emploi et aux autres transferts aux ménages à revenu faible et modeste), les autres mesures de dépenses gouvernementales (comme l'aide gouvernementale à la recherche, à la formation et à l'innovation) et les mesures liées à l'impôt sur le revenu des sociétés.
Un multiplicateur différent s'applique à chacune de ces catégories. Les multiplicateurs sont des mesures agrégées qui tiennent compte des mécanismes par lesquels les mesures influent sur l'activité économique, y compris les effets directs, indirects ou induits, ainsi que les fuites économiques liées à l'épargne et aux importations. Par exemple, le multiplicateur de l'investissement public dans l'infrastructure comprend l'incidence positive de l'activité directe (p. ex., la production du secteur de la construction), l'incidence indirecte (la fourniture d'intrants par les entreprises du pays au secteur de la construction) et l'activité induite (la hausse des dépenses des ménages découlant de l'augmentation de l'emploi et du revenu). Un multiplicateur de 1 signifie qu'un dollar consacré à des dépenses budgétaires génère un dollar de production réelle.
Les multiplicateurs varient selon le type de mesure pour tenir compte, par exemple, de la mesure dans laquelle les ménages épargnent le montant des réductions d'impôt au lieu de le dépenser, ou de la part importée des biens et services achetés à la suite de la hausse des dépenses en infrastructure. En outre, puisque les incidences indirectes et induites mettent du temps à se concrétiser, les multiplicateurs sont faibles au début, mais augmentent au fil du temps à mesure que de nouvelles dépenses stimulent la croissance de l'emploi, ce qui donne une nouvelle impulsion à la production économique.
Comme l'indique le tableau A2.1 ci-après, les multiplicateurs à court terme associés aux investissements en infrastructure et dans le logement sont relativement élevés, étant donné que les fuites économiques associées à l'épargne ou aux importations sont moins importantes. À l'opposé, une réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés a un multiplicateur beaucoup moins élevé à court terme (autrement dit, son incidence à court terme sur le PIB réel est relativement faible), car il faut du temps aux entreprises pour investir et accumuler du capital2.
2016-2017 | 2017-2018 | |
---|---|---|
Mesures d'investissement dans le logement | 1,0 | 1,5 |
Investissements dans l'infrastructure | 0,9 | 1,4 |
Mesures visant l'impôt sur le revenu des particuliers | 0,2 | 0,6 |
Mesures à l'intention des ménages à revenu faible et modeste | 0,8 | 1,3 |
Autres mesures de dépenses | 0,9 | 1,4 |
Mesures liées à l'impôt sur le revenu des sociétés | 0,0 | 0,1 |
Le tableau A2.2 ci-dessous donne un aperçu de la valeur des mesures décrites dans le présent budget, ainsi que celle de la baisse d'impôt pour la classe moyenne annoncée en décembre 2015, selon les catégories énumérées ci-dessus (voir données détaillées au tableau A2.4 à la fin de la présente annexe).
2016-2017 | 2017-2018 | |
---|---|---|
Mesures d'investissement dans le logement | 1 359 | 966 |
Investissements dans l'infrastructure | 3 967 | 7 316 |
Mesures visant l'impôt sur le revenu des particuliers | -1 345 | -2 383 |
Mesures à l'intention des ménages à revenu faible et modeste | 5 591 | 6 426 |
Autres mesures de dépenses | 2 100 | 3 244 |
Mesures liées à l'impôt sur le revenu des sociétés | -102 | -638 |
Total de ces mesures | 11 570 | 14 930 |
Incidence économique
D'après les multiplicateurs estimatifs indiqués ci-dessus, ces mesures devraient faire augmenter le niveau du PIB réel de 0,5 % au cours de la première année et de 1,0 % au cours de la deuxième année, ce qui devrait se traduire par la création ou le maintien de 100 000 emplois d'ici 2017-20183 (tableau A2.3). Il convient de noter que la plupart des prévisionnistes du secteur privé s'attendaient à ce que des initiatives gouvernementales additionnelles visant à promouvoir la croissance soient annoncées dans le présent budget. Par conséquent, l'enquête de février auprès d'économistes du secteur privé intègre, dans une certaine mesure, les estimations des prévisionnistes en ce qui concerne l'incidence économique de ces initiatives.
2016-2017 | 2017-2018 | |
---|---|---|
Mesures d'investissement dans le logement | 0,1 | 0,1 |
Investissements dans l'infrastructure | 0,2 | 0,4 |
Mesures visant l'impôt sur le revenu des particuliers | 0,0 | 0,0 |
Mesures à l'intention des ménages à revenu faible et modeste | 0,2 | 0,4 |
Autres mesures de dépenses | 0,1 | 0,2 |
Mesures liées à l'impôt sur le revenu des sociétés | 0,0 | 0,0 |
Incidence totale sur le PIB | 0,5 | 1,0 |
Incidence sur l'emploi (emplois créés ou maintenus) | 43 000 | 100 000 |
Il est à noter que la taille des multiplicateurs budgétaires fait l'objet d'une certaine incertitude et de débats. Cependant, de récentes études économiques laissent entendre que les multiplicateurs budgétaires sont plus élevés lorsque les ressources sont sous-utilisées4 au sein de l'économie et lorsque le taux directeur de la banque centrale se situe près de sa valeur plancher5.
Autrement dit, en période de croissance économique relativement faible, les investissements du gouvernement ont probablement une incidence plus marquée, puisqu'ils ne font pas que supplanter des investissements du secteur privé ou augmenter les taux d'intérêt. En effet, certains travaux de recherche indiquent que les multiplicateurs peuvent être très élevés lorsque ces conditions existent, et qu'ils peuvent atteindre entre 3 et 46 dans le cas des dépenses publiques globales. Ces deux conditions étant présentes au Canada, la valeur des multiplicateurs présentés précédemment et leur incidence sur le PIB sont appropriées et prudentes.
2016-2017 | 2017-2018 | |
---|---|---|
Investissements dans le logement | 1 359 | 966 |
Logement abordable et logement pour les aînés | 875 | 490 |
Logement dans le Nord et dans les réserves | 353 | 379 |
Itinérance | 58 | 54 |
Autres mesures liées au logement | 74 | 43 |
Investissements dans l'infrastructure | 3 967 | 7 316 |
Infrastructure fédérale | 1 179 | 1 937 |
Transport en commun et autre infrastructure municipale | 1 604 | 3 005 |
Infrastructure de l'enseignement postsecondaire | 500 | 1 250 |
Autochtones | 492 | 837 |
Infrastructure culturelle, récréative et diverse | 192 | 288 |
Mesures liées à l'impôt sur le revenu des particuliers | -1 345 | -2 383 |
Baisse d'impôt pour la classe moyenne | 1 265 | 1 180 |
Mesures d'équité fiscale | -712 | -1 280 |
Autres mesures du budget de 2016 | -1 898 | -2 283 |
dont : Élimination du fractionnement du revenu pour les couples ayant des enfants | -1 920 | -1 980 |
Mesures à l'intention des ménages à revenu faible ou modeste | 5 591 | 6 426 |
Allocation canadienne pour enfants1 | 4 510 | 5 370 |
Mesures pour les aînés à faible revenu | 479 | 672 |
Mesures liées à l'assurance-emploi | 602 | 384 |
Autres mesures de dépenses | 2 100 | 3 244 |
Environnement | 107 | 1 439 |
Autochtones | 476 | 578 |
Un bon gouvernement au service des Canadiens | 589 | 522 |
Mesures pour les anciens combattants | 80 | 865 |
Mesures pour les jeunes Canadiens | 172 | 427 |
Arts et culture | 162 | 276 |
Croissance et innovation des entreprises | 87 | 197 |
Science et recherche | 117 | 187 |
Autres mesures | 620 | 292 |
Réductions de dépenses ciblées et réaffectations | -311 | -1 540 |
Impôt sur le revenu des sociétés | -102 | -638 |
Équité fiscale | -216 | -446 |
Autres mesures du budget de 2016 | 115 | -106 |
Total de ces mesures | 11 570 | 14 930 |
1 Une hausse de l'épargne n'entraîne pas une hausse de l'investissement à court terme, mais au fil du temps, elle mène à une accumulation de capital plus importante et, par conséquent, à un niveau plus élevé et durable de production.
2 Cependant, les mesures liées à l'impôt sur le revenu des sociétés présentent certains des multiplicateurs les plus élevés à long terme, puisqu'une hausse de l'investissement accroît, au bout d'un certain temps, la capacité de production de biens et services sur une base permanente.
3 En supposant qu'une hausse de 1 % du PIB réel entraîne une hausse immédiate de l'emploi de 0,2 %, qui augmentera par la suite pour s'établir à environ 0,6 % après huit trimestres. Ce ratio correspond à la relation observée par le passé entre la croissance de l'emploi et le PIB réel au Canada.
4 Michael T. Owyang, Valerie A. Ramey et Sarah Zubairy, « Are Government Spending Multipliers Greater During Times of Slack? Evidence from 20th Century Historical Data », dans American Economic Review, vol. 102, no 2, 2013, p. 51-102.
5 Nicoletta Batini, Luc Eyraud et Anke Weber, « A Simple Method to Compute Fiscal Multipliers », dans IMF Working Paper WP/14/93, 2014.
6 Lawrence Christiano, Martin Eichenbaum et Sergio Rebelo, « When Is the Government Spending Multiplier Large? », dans Journal of Political Economy, vol. 119, no 1, 2011, p. 78-121.